Le jeûne : une pratique dangereuse pour la santé ?
Jeûner pour détoxiquer l’organisme et pour perdre du poids est une pratique récente dont souvent on ignore les effets secondaires.
Pourquoi jeûner ?
Bien qu’il existe certaines preuves suggérant la possibilité que le stress nutritionnel induit par le jeûne amène à brûler des graisses, en réalité, la perte de poids due au jeûne est principalement une perte de liquides, de glycogène et de muscles plutôt que de graisse.
Le jeûne intermittent implique essentiellement une restriction calorique sévère. On se pose donc les questions :
- Est-ce qu’il y a des effets secondaires ?
- Y a-t-il une limite quotidienne minimale de calories à consommer ?
- Peut-on le prolonger sur le long terme pour maîtriser le poids corporel ?
Le jeûne intermittent, désormais devenu populaire, ne donne cependant pas les résultats escomptés ni en termes de bienfaits pour la santé ni pour un correct amincissement.
Nous étudions ici les mécanismes qui sont activés dans des conditions de jeûne afin d’éviter des erreurs souvent regrettables et parfois graves commises pour tenter de perdre du poids ou de trouver de meilleures conditions de santé.
Que se passe-t-il lorsque l’énergie que nous introduisons ne couvre pas les besoins physiologiques ?
Le jeûne, ou sous-alimentation, se révèle toujours être nocif pour l’organisme.
L’une des principales raisons pour lesquelles on choisit de jeûner aujourd’hui est de « purifier » le corps des déchets produits par l’alimentation. Cette intention naît de la prise de conscience que dans notre façon actuelle de manger, il y a de nombreuses erreurs cachées qui peu à peu endommagent les organes.
➡️ Si nous voulons faire du bien à notre corps, nous ne devons pas interrompre l’alimentation, mais plutôt la modifier.
L’organisme est vivant, il ne peut pas être éteint puis rallumé comme une machine. Son travail de transformation des molécules pour assurer l’exécution des fonctions vitales se poursuit même si on ne le nourrit pas. Cela produit quand même des déchets. Cette activité lui coûte environ 60 à 70 % de sa dépense énergétique totale et s’appelle le métabolisme.
Si à cette activité de base l’on ajoute le fait que le jeûne prive les organes émonctoires des substances (notamment les glucides) indispensables à la transformation et à l’élimination des déchets, le jeûne s’avère alors être une pratique qui aggrave la situation de départ. Cela ressemble définitivement plus à un processus d’intoxication qu’à une pratique purifiante. Malheureusement ce processus a lieu quelque soit la durée du jeûne.
Enfin, qu’en est-il de cette habitude de pratiquer une activité physique (marche ou autre activité) pendant le jeûne, pour tenter d’accélérer la perte de poids ou la purification ? Il est facile de comprendre qu’il s’agit d’une très mauvaise habitude, qu’il faut corriger avant qu’elle ne dégénère en problèmes de santé graves, parfois irréversibles.
➡️ Nous comprenons donc que notre alimentation quotidienne doit viser à :
Les phases du jeûne
Pour simplifier les explications, nous pouvons diviser les processus du jeûne en 3 phases :
- la phase de post-absorption
- la phase aigüe
- la phase de jeûne prolongé.
N’oublions pas que l’organisme, qu’il soit alimenté correctement ou sous-alimenté, vise toujours au maintient du niveau d’énergie, et donc du taux de sucre dans le sang, le plus stable possible : c’est la condition de base pour assurer le bon fonctionnement des systèmes vitaux.
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Phase 1 : la phase de post-absorption
Cette phase pourrait nous faire penser à l’état de l’organisme au petit matin, après le jeûne nocturne normal, pendant lequel la glycémie diminue mais descend rarement en dessous de 70 mg/dl, s’il n’y a pas de troubles de la régulation.
La nuit, le métabolisme ne s’arrête pas. Son ralentissement et la baisse partielle de la température corporelle ne sont que le signe d’un changement dans ses activités.
La nuit, pendant le sommeil, le travail musculaire et l’activité cérébrale consciente sont en veille, mais tout le reste est là. Le métabolisme de base est très actif et effectue une multitude d’opérations de réinitialisation biochimique qui ne sont pas possibles le jour car il y a les activités neurologique, digestive et musculaire à gérer. Donc même la nuit le corps travaille et consomme de l’énergie.
En l’absence de nourriture pendant environ 6 à 8 heures, les valeurs de sucre dans le sang sont maintenues grâce au glucose circulant. Il vient ensuite la première réponse de l’organisme à l’hypoglycémie, afin d’introduire dans le sang du nouveau sucre, qui sera prélevé à partir de celui stocké dans le foie.
L’opération se produit à travers l’augmentation du glucagon, une hormone protéique sécrétée par la partie endocrinienne du pancréas, qui stimule le foie à déconstruire ses propres réserves de glycogène pour libérer du glucose « frais » dans le sang. Cette opération s’appelle glycogénolyse hépatique et constitue la première ligne de défense de l’organisme contre la dénutrition.
Le glucose stocké dans le foie est en réalité une réserve que l’organe utiliserait volontiers pour ses propres fonctions biochimiques, nombreuses et coûteuses en énergie. Son prélèvement pour cause de déficit énergétique est donc une opération d’urgence, conséquence d’un fait anormal, le jeûne.
⚠️ Le foie (mais aussi le cerveau, en vérité) souffre plus que d’autres organes de la diminution du glucose disponible car il en utilise des quantités assez élevées : la conséquence est la diminution de ses capacités détoxiquantes, précisément à cause du jeûne.
L’utilisation de glucides au dîner, à la place des protéines, joue un rôle préventif intéressant, car ils garantissent une meilleure « couverture » en sucres pendant la nuit, permettant au foie de travailler avec de bonnes réserves énergétiques. Il est bon de rappeler qu’il n’y a aucun risque de prendre du poids en mangeant des féculents au dîner, tout dépend de la façon dont ils sont associés et du mode de cuisson choisi. De plus, les glucides au dîner sont particulièrement utiles car ils protègent les muscles des dégradations nocturnes à des fins énergétiques (catabolisme musculaire) et parce qu’ils favorisent les mécanismes de restructuration musculaire en stimulant l’insuline.
Phase 2 : la phase aiguë
Les êtres vivants suivent deux règles élémentaires de survie :
- dépenser le moins d’énergie possible,
- prendre l’énergie là où elle est disponible immédiatement et à faible coût.
À mesure que la condition de déficit énergétique se prolonge, le corps humain se tourne vers des systèmes de production moins économiques et plus lents à activer, mais plus durables.
Dans la première phase, celle post-absorption, le pancréas est le premier organe à réagir, tandis que le foie est passif, se contentant de fournir des sucres à la demande du pancréas.
Si le jeûne n’est pas rompu, au fil des heures, le corps doit trouver une autre source de glucose pour produire de l’énergie, puisque celui du foie est presque terminé et il n’y a pas d’autres endroits où le glucose est immédiatement disponible. Rappelons que le sucre présent dans les muscles, bien qu’abondant, ne peut être utilisé car il est la propriété exclusive des muscles.
La concentration de glucose dans le sang chute jusqu’à 61,2 mg/dl en raison de l’épuisement progressif du glycogène hépatique. Si le jeûne se poursuit, il ne reste plus qu’à commencer à produire du nouveau glucose, c’est-à-dire à activer ce qu’on appelle la néoglucogenèse.
Deux choses se produisent alors :
- le métabolisme ralentit pour économiser de l’énergie et ce phénomène se poursuivra pendant toute la durée du jeûne;
- le corps commence à décomposer les protéines musculaires pour produire du nouveau glucose.
Environ 24 à 48 heures se sont écoulées et la néoglucogenèse commence.
Les muscles (en fait les acides aminés qui les composent) peuvent être utilisés pour obtenir de l’énergie, mais pas leur glycogène car, pour préserver la vie, le mammifère, qu’il soit prédateur ou proie, doit pouvoir continuer à courir pour survivre. Il est donc plus avantageux qu’il diminue un peu sa structure musculaire plutôt que le carburant qui la fait bouger.
Cette même réduction de la masse musculaire accentue, à son tour, le ralentissement du métabolisme car le muscle est un tissu métaboliquement actif qui représente un coût pour l’organisme. Réduire un peu son volume aide à consommer moins d’énergie. La graisse, en revanche, est presque inerte métaboliquement et donc beaucoup moins coûteuse à entretenir. Tout a une logique dans la Nature.
La fausse perte de poids
Les deux phénomènes que nous avons décrits (ralentissement du métabolisme et exploitation des protéines) ne sont donc pas tellement en accord avec la notion de perte de poids. En effet, pour maigrir il serait utile de brûler plus d’énergie au lieu d’en réduire la consommation : hélas, jeûner entrave le bon rythme du métabolisme.
Réduire la consommation d’énergie est, après tout, la même logique qui fait que les animaux hibernent mais, contrairement à nous, ils possèdent ce mécanisme sous une forme très développée. Dans tous les cas, l’objectif sera toujours de consommer le moins possible en cas de pénurie d’énergie directement disponible.
😳 Jusqu’à présent, l’amincissement n’a pas encore commencé : en fait c’est la phase dans laquelle la balance « trompe » ceux qui suivent un régime minceur restrictif car le poids chute rapidement en raison de la perte musculaire sans que la graisse n’ait pratiquement encore été « touchée ».
➡️ Une perte de poids assez rapide n’indique jamais un amincissement correct pour les raisons suivantes :
- la graisse est plus volumineuse mais plus légère que le muscle, et donc si l’on perd uniquement de la graisse, la balance indique une baisse plus lente que la perte musculaire;
- la graisse est plus lente à se déstructurer, car elle est énergétiquement plus dense que le muscle. 1 gramme de glucose ou d’acides aminés apporte environ 4 kcal, tandis que 1 gramme de graisse en apporte 9 : il va sans dire qu’il faudra au moins le double de temps pour le brûler.
Dans la phase aiguë, nous sommes passés d’une activité pancréatique à une surrénalienne : désormais l’organisme récupère de l’énergie en déstructurant les muscles grâce aux hormones cataboliques, notamment le cortisol et l’adrénaline, produites par les glandes surrénales.
La dégradation des protéines afin d’obtenir de l’énergie produit principalement de l’urée et de l’azote dans les urines, créant une surcharge pour le foie et a fortiori pour les reins. De plus, la consommation d’acides aminés ne peut dépasser une certaine limite car, si le jeûne était prolongé, la consommation de protéines se poursuivrait jusqu’à épuisement des tissus nobles (muscles et organes). À ce stade la Nature ne le permet pas et cette étape ne dure que 12 à 20 jours.
Par conséquent, la principale source d’approvisionnement énergétique à long terme devient le tissu adipeux. Cela met le corps en mesure de faire face à une période de jeûne assez prolongée car la graisse est le tissu le plus énergétique chez les mammifères.
Il existe des différences dans l’utilisation des réserves de graisse entre les hommes et les femmes. Certaines études(1) ont montré que les femmes ont une plus grande capacité à utiliser leurs réserves de graisse que les hommes. En effet, les hommes ont une plus grande quantité de graisse viscérale, tandis que les femmes ont plus de graisse sous-cutanée qui peut être utilisée plus rapidement à des fins énergétiques.
Phase 3 : le jeûne prolongé
Une fois les réserves de graisse épuisées, le métabolisme entre dans la troisième et dernière phase, celle du jeûne prolongé. Toutes les sources d’énergie possibles ont été désormais consommées et l’organisme, en dernier recours, recommence à dégrader les protéines restantes. En fin de compte, environ 50 % des protéines totales chez un être humain peuvent être dégradées et utilisées comme substrats avant la mort.
Résumé
1. Phase post-absorption : au début l’organisme utilise le glucose circulant, puis il commence à extraire le glucose stocké dans le foie sous la stimulation du pancréas. Dans cette phase, il n’y a pas de variations significatives dans le métabolisme.
2a. Phase protéique aiguë : après 1,5 à 2 jours, l’organisme doit commencer à produire du glucose car les réserves hépatiques s’épuisent. Ainsi commence la dégradation des protéines musculaires à partir desquelles on obtient du nouveau glucose. Dans cette phase, le métabolisme ralentit et une partie de la masse maigre est sacrifiée afin de produire du combustible tout en réduisant la dépense énergétique. À ce stade le poids chute assez rapidement. On comprend désormais pourquoi un manque de glucides entraîne un épuisement des protéines musculaires, et pourquoi les glucides dans un régime minceur, lorsqu’ils sont bien dosés et correctement cuisinés, facilitent l’élimination des graisses tout en protégeant les muscles.
2b. Phase lipidique aiguë : en vingt jours maximum, l’oxydation des acides aminés est réduite à des valeurs minimales car, entre-temps, la prolongation du jeûne a commencé à stimuler la déstructuration des acides gras (à partir des triglycérides). C’est la deuxième étape de la phase aiguë, qui peut avoir une durée très variable : elle dépend essentiellement de la quantité de réserves de graisse dont dispose l’organisme. Une personne obèse a une plus grande capacité à survivre au jeûne qu’une personne maigre.
3. Phase de jeûne prolongée : une fois épuisées toutes les réserves de graisse, l’organisme recommence à utiliser les protéines musculaires restantes jusqu’à ce que la mort par faim survienne.
Notes
1. Hedrington MS, Davis SN, 2015; Mittendorfer B, Horowitz JF, Klein S; Merimee TJ, Fineberg SE.
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